Organisées par l’ESSTED, École Supérieure des Sciences et Technologies du Design de Tunis, la seconde édition des RAID ou Rencontres Annuelles Internationales du Design avait pour thème: Design et Territoire(s). Cinq journées de conférences, ateliers, expositions, festivals pour explorer les territoires émergents du design comme le design de service et l’action publique, le développement territorial, la revitalisation de l’artisanat et l’entreprenariat social, etc. sur lesquels l’ESSTED la principale école supérieure de design du Maghreb entend se positionner.

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Mais ce qui saute d’abord aux yeux en arrivant sur le campus de l’école ce mardi matin c’est une belle atmosphère de grande fête en préparation: les étudiants semblent avoir sorti l’école de ses bâtiments pour l’installer dehors. Entre frénésie et nonchalance sous les premiers soleils du printemps, les RAID se préparent… Nous – SDS et Egérie Research – venons pour animer une journée de think-tank intitulé: La communication entre habitants et administration: (re)design d’un service public. Autant dire tout de suite que ce think-tank s’entend surtout comme un do-tank, une journée de recherche-action qui se propose de travailler concrètement sur les relations en les étudiants et l’administration de l’ESSTED comme prétexte pour fournir un exercice pratique de design appliqué au service public et pour interroger les relations entre l’administration et la population tunisienne.

En toile de fond notre conférence sur Innovation sociale, co-responsabilité et services publics collaboratifs grandement inspirée du travail de capitalisation Social innovation in Cities que nous venons tout juste de conclure après près d’une année à observer comment un nombre croissant de villes européennes du réseau URBACT et au-delà, confrontées à un contexte social, environnemental et budgétaire de plus en plus difficiles, font le pari de l’innovation sociale, de la construction de nouveaux modes de collaboration avec les citoyens et les parties prenantes vers le design de ce que nous appelons des nouveaux services publics collaboratifs.

[vimeo]https://vimeo.com/125847028[/vimeo]

Comme le raconte en détail dans la vidéo ci-dessus Mustapha Lakchal de l’Agence tunisienne de la formation professionnelle, Ministère de la formation professionnelle et de l’emploi, l’approche que nous proposons aux participants du think-tank est centrée sur les usages et les outils qu’SDS et Egérie Research ont incubés à la Cité du Design de St-Etienne pour y créer les LUPI ou Laboratoires des Usages et Pratiques Innovantes: par trois les 24 participants partent armés d’un PostersExploration et de Cartes à Réaction rencontrer chacun un membre du personnel de l’administration de l’ESSTED ou un binôme d’étudiants. L’après-midi ils affichent et partagent leurs PostersExploration et transforment leurs moissons de problèmes et d’idées en s’essayant au Story-Telling.

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Qu’est ce qui émerge de ce think-tank marathon qui, même s’il a à peine laissé aux participants le temps de souffler au cours de la journée, donne des indications intéressantes sur qu’est ce qui pourrait émerger d’une collaboration entre design et administration qui soit ancrée dans la culture tunisienne, un thème qu’Hayla Meddeb, Présidente des RAID et ses collègues de l’ESSTED appellent avec l’organisation de ces journées sur design et territoires.

Le point le plus saillant qui émerge du think-tank c’est la mise en chantier des services administratifs. Une sorte de ’RAID services publics’ où ’RAID’ deviendrait par exemple les initiales de Rencontres avec l’Administration pour Incuber un projet de Design. Une mise en chantier avec la même atmosphère à la fois généreuse et enthousiaste que celle qui prépare dehors le Concert Trans-en-danse pour la cérémonie de clôture des RAID 2015. La mise en chantier vise des points classiques du design des services publics comme une signalétique à la fois opérante et évolutive; un livret des enseignements à la manière d’un guide pratique de la nouvelle réforme LMD (Licence Maitrise Doctorat); un redesign des locaux administratifs qui rende, à la manière du management par l’espace, plus fluides les relations entre étudiants et administration. Mais aussi – et peut-être plus important – une envie générale de faire ensemble, de se rencontrer plus souvent entre étudiants, personnel et enseignants pour repenser complètement l’école ou simplement boire un thé et mieux se connaitre pour mieux se comprendre.

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Coté école on retrouve les interrogations existentielles qui agitent le design aujourd’hui: lors de la table ronde Design, Territoires et Enseignement qui clôture les 2 premières journées de conférences des RAID, la discussion entre Eric Vandercasteele (Université Jean Monnet), Romain Thévenet (Designer, co-fondateur de la 27e Région), Bernard Lafargue (Université Michel de Montaigne, Bordeau), Joëlle Liberman (Egérie Research) fait apparaitre un design un peu mal à l’aise, à la fois abusant de son succès général et victime de celui-ci, un design qui se veut à la fois ambitieux, impertinent, frondeur à l’image du designer marocain Hicham Lahlou invité vedette des RAID et un même design qui hésite à redesigner une école de design en utilisant les mêmes outils design de service qu’il applique partout ailleurs. Une recherche en design qui semble parfois plus préoccupée de s’inscrire dans un protocole académique classique plutôt que d’utiliser les outils du design que les autres secteurs scientifiques lui emprunte de plus en plus fréquemment.

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Coté administrations, c’est une envie de découvrir ce que le design pourrait apporter d’abord marquée par la participation d’agents de plusieurs Ministères et Collectivités Locales, par la venue de Tarek Bahri, le Directeur Général chargé des services de la gouvernance à la Présidence du gouvernement en personne qui a passé plus de deux heures à écouter la restitution des PostersExploration, soit à se connecter au terrain en prenant connaissance des critiques et des idées d’agents et d’usagers sur comment redesigner les services administratifs dans une école. Mais aussi Mustapha Lakchal, qui se dit à l’affut de ce que le design pourrait apporter de plus dans son travail à l’Agence tunisienne de la formation professionnelle mais aussi attentif à ne pas prendre encore un nouveau type de consultant pour argent content. Egalement, Amira Khammassi Responsable de la Communication et du Budget Participatif à la ville de La Marsa, près de Tunis qui s’intéresse à la méthode mise en œuvre au cours de la journée pour outiller le forum citoyen qui aura lieu en juin prochain et y faire participer plus largement les agents de la municipalité.

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Enfin, l’émergence d’une vision de l’administration au-delà des clichés de la ‘procédure infaillible’ et de ‘l’ordre formel’. Comme le disaient les étudiants et les agents de l’ESSTED rencontrés pour le think-tank: “…c’est bien d’avoir l’information administrative sur Internet mais ce serait dommage de ne plus avoir de raison de se voir en face à face avec le personnel administratif de l’école…”. Entre trop d’informel et des procédures trop rigides, c’est une administration ‘autour d’un thé’ qui semble se dessiner…